Blessures de guerre

L'été est la saison par excellence du corps. On se dénude pour aller à la piscine, à la plage, parce qu'on a trop chaud; on raccourcit jupes et pantalons laissant voir les marques de nos vies.
De la petite blessure due à une mauvaise chute de vélo enfant, à une opération plus importante, elles s'atténuent avec le temps, mais elles racontent aussi, l'histoire d'un corps meurtri, malmené, mais toujours en vie.
Il y a longtemps que cet article me trotte dans la tête... . Les cicatrices sont quelque chose d'intimes, elles touchent des parties de notre corps.
Pour la plupart, celles de Monsieur A sont cachées, sauf l'été en maillot de bain, ou à la piscine. Celles de Melle T sont toutes fraîches et sa jambe gauche en portera toujours les stigmates.
Peur du regard des autres? Nous commençons à y être habitués, et à assumer.
Rappel de plein fouet de ce que nos enfants ont déjà enduré, la chaire de notre chaire ainsi endommagée, alors qu'on essaie parfois de l'oublier, quand c'est caché. L'image du bistouri du chirurgien entamant la peau de nos enfants.

Mais preuve aussi de leur force psychique et physique : pour Monsieur A, d'être encore de ce monde, pour Melle T, de surmonter avec une force incroyable, son handicap.
Il y en a qui se tatouent, d'autres qui se scarifient, volontairement, parce qu'ils ont envie de raconter quelque chose, que leur corps raconte quelque chose. Et puis il y a ceux qui n'ont pas le choix, leur corps est marqué à vie par leur histoire.

Comment vit-on avec tout ça? comment Melle T lorsqu'elle sera plus âgée va accepter ces traces sur sa jambe? Comment Monsieur A fera t'il face aux regards pesants qui ne manqueront pas sur son abdomen?
Pour le moment, ce sont leurs blessures de guerre à eux, leurs combats contre leurs maladies rares respectives. Les cicatrices de Monsieur A sont le signe qu'il a pu être sauvé! Sauvé d'une péritonite avec pronostic vital engagé à 7 jours de vie par laparotomie (incision chirurgicale de la paroi abdominale), sauvé de son atrésie de l’œsophage, par thoracotomie (incision chirurgicale de la paroi thoracique).

Celles de Melle T sont le signe qu'un jour sa jambe ne l'handicapera plus. Je pense aussi qu'à la rentrée, Melle T en tirera même une petite fierté! un truc différent des autres, une marque de courage, qui force l'admiration.

Alors voici quelques photos de nos guerriers:
Inventaire pour Monsieur A :
Monsieur A porte des marques dans le cou, des 2 côtés. Elles sont liées aux voies veineuses centrales posées dans la veine jugulaire.

Monsieur A a une cicatrice verticale de 22 cm sur l'abdomen liée à sa laparotomie nécessitée par une péritonite.
A côté, une cicatrice horizontale due à sa gastrostomie : c'est le système qui lui avait été posé à la naissance pour qu'il puisse être alimenté, directement par l'estomac. Une fois le petit bouchon enlevé (il y a juste un ballonnet à dégonfler), le trou dans la paroi abdominale est censé se refermer dans les 24 h. Sauf qu'au bout d'un mois, non seulement le trou coulait toujours, mais le liquide gastrique qui en sortait avait terriblement irrité son ventre. Monsieur A a donc du retourner au bloc pour que le trou soit refermé chirurgicalement, en recousant toutes les couches : estomac, muscles, peau....et laissant donc une belle cicatrice.






On continue l'inventaire avec la cicatrice de la thoracotomie derrière son omoplate droite.
Monsieur A a aussi deux trous dus à des drains thoraciques. Le premier, dans le protocole opératoire pour la thoracotomie, et le deuxième, pas prévu à la base, mais qui a du être posé à cause de graves complications pulmonaires; le drain a servi à drainer son poumon droit, complètement bouché.


Melle T, elle, compte 8 cicatrices de longueur variable sur sa jambe gauche. Redressement Fémur et Tibia et pose de clous télescopiques.Et il y en aura d'autres...





Ici, nous n'avons pas d'autres choix que de faire confiance à la médecine, et à la recherche. Elles ont sauvé nos enfants. De plus, la recherche et les nouvelles techniques progressent sans cesse, ce qui nous permet d'espérer que des méthodes seront mises au point pour atténuer les cicatrices par exemple ;-); en attendant, les enfants grandiront avec, et nous, nous ne cesseront de les accompagner du mieux que nous le pourrons.

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